6.6.06

Voici enfin publiés les textes de la sixième semaine du LEL (Labo En Ligne), consacrés à l'universel JLG (Jean-Luc Godard).
POUR RESTER DANS L'ACTUALITE CINEMATOGRAPHIQUE il fallait imaginer un texte dont la matrice / le titre serait,
au choix :
Deux ou trois choses que je sais d'elle
Vivre sa vie
Bande à part
Eloge de l'amour
JLG / JLG
Lisez, goinfrez, restaurez vos papilles littéraires. Et courez, car l'aventure GEANTE du Labo en ligne de la RSA (sauce harissa) se poursuit pour la septième semaine consécutive, si si. Pour découvrir l'ULTIME proposition, CLIQUEZ VOIR UN PEU PAR ICI ! Va va va...
Vivre sa vie…

1

… malgré elle, malgré soi, en la prenant en cours de route ayant raté le début.

2

… avec hésitation d’abord, avec des soupçons. Personne ne te dira tout de suite, ne te dira peut-être jamais, qu’elle est à toi.

3

… en outrepassant la politesse pour la saisir.

4

… qui à certains moments peut avoir l’odeur d’un tilleul en fleur, mais rien n’est stable.

5

… est une chose, ce qu’on vit est une autre.

6

… sur une route nocturne. Tu as froid, tu as peur, mais tu viens de voir un bon film et quelque chose a changé.

7

… sans le dire, en cachette, c’est une réalité à ne pas gâcher avec des adjectifs ou des métaphores bateaux, même si…

8

… est aussi simple qu’impossible.

9

… dont chaque instant est l’anniversaire de tous les autres, sans faire de cérémonie.

10

… dans une autre langue, en se souvenant d’un film vu il y a longtemps en compagnie de quelqu’un qui n’existe plus.

11

… en étant autre, comme les autres, différent comme est même le plus consensuel parmi nous au fond de sa lâcheté.

12

… ou non. Son infinité tient dans cette hésitation.

Derek Munn

5.6.06

2 ou 3 choses que je sais d'elle

1) Son prénom bizarre
2) Son âge approximatif
3) Ses rêves préférés (?)

Vivre sa vie

Une mouche volette dans l'air. Se pose sur le globe bombé d'une lampe. Disparaît de l'autre côté de la sphère. Mon visage s'estompe sur l'écran dans une brume de lumière, opaque et transparente à la fois. La mouche réapparaît, s'immobilise, observe, scrute attentivement formes et couleurs. J'aperçois à nouveau mon visage sur l'écran. Il se déforme soudain. S'enflamme et noircit dans un grésillement d'insecte. La caméra était l'oeil de la mouche.

Bande à part

Il m'arrive de me sentir seule, dit-elle d'une voix sourde. L'homme allongé à côté d'elle ne répond pas. Est-ce que tu as écouté ce que je viens de dire? L'homme ferme les yeux et pose ses mains sur les paupières de la femme. Tu veux m'empêcher de voir? demande-t-elle. L'homme rit soudain. Enfonce profondément ses doigts dans sa bouche comme s'il voulait étouffer un cri. Le monde est un leurre! parvient-il à dire. Coupez! crie une voix qui vient d'on ne sait où. Mais l'homme ne bouge pas. La femme non plus. Le mot FIN s'inscrit sur leurs corps friables qui tombent déjà en poussière.

Eloge de l'amour

- Tu m'aimes?
- Veux-tu me suivre?
- Quoi d'autre encore?
- Donne-moi tes lèvres!
- Oublie-moi plutôt!
- Je reviendrai...

JLG/JLG

Moi n'est pas un autre. Seulement une image qui défile sur l'oeil. Mais de quel oeil s'agit-il? Celui d'un monde fictif qui n'existe que sur la surface plane de l'écran. Un monde sans relief, sans odeur, sans chair que l'on puisse goûter, saisir, caresser, mordre avec les dents de l'esprit. Un monde en déconstruction. Un monde à détruire sans pitié. Comme s'il n'était qu'un assemblage de vieux décors tombant en ruines.
Moi n'est pas je. Tout n'est désormais qu'une absence qui se prolonge, s'étire à l'infini comme un pan de ciel, jusqu'à se rompre dans la matrice du monde. Un songe de vie fragmentée: 24 images/seconde pour que tu sois une ombre qui passe furtivement sur ta rétine. Regard qui se regarde à perte de vue. Mise en abyme d'une chute sans fin dans l'abîme. Etre ou ne pas être du cinéma. Ce n'est pas la question, tu le sais. Encore moins la réponse, pense-t-il. Peut-être vaudrait-il mieux dormir...ou rêver.

François Teyssandier
Deux ou trois choses que je sais d’elle

Je sais deux ou trois choses d’elle. Je l’aime et elle n’est pas pour moi. Mais je sais aussi ceci (parce que je l’aime) :
- elle est toujours habillée en bleu, même les sous-vêtements
- elle est capable de faire le cochon pendu sur le portique du lycée pendant une demie-heure sans bouger (la dernière fois, la principale a appelé la Police et a demandé si par hasard, ça pourrait pas justifier un internement dans un centre de rééducation encadré à la mode militaire)
- elle aime les glaces à la fraise, le malibu et le poisson crû mariné dans du citron vert (je suis très fort pour en faire)…
Jo, à table ! Jo !
- … elle est la fille qui court le plus vite de l’univers tout entier
- c’est aussi la fille la plus belle de cet univers (elle est la plus belle à mes yeux)
- elle entend des voix et est l’objet de visites nocturnes, dans un grand éclair blanc avec les courants d’air par la fenêtre
Qu’est-ce que tu fiches encore ? Tu te crois à l’hôtel ?! VIENS BOUFFER BORDEL!
- son père est au chômage et joue au tiercé…
- sa mère fait des ménages et a un amant (c'est mon père)
- personne ne l’a jamais vue avec un mec
- personne ne l’a jamais vue avec une femme
Encore deux-trois coups de ce genre, fils… JE TE PREVIENS...!
- elle est vierge, ascendance scorpion (le désert)
- elle a eu un fils sans rapport sexuel (dit-elle)
- elle a eu un fils l’hiver dernier et on ne l’a pas vue pendant plusieurs mois
- elle a eu un fils, elle a eu un fils...
- je l’aime et elle n’est pas pour moi
- je n’ai jamais couché avec elle
- … and the kid is not my son (lalalaa)
Et je te FICHE en pension, MOI, mon gars !
Je suis allongé sur mon lit et je me dis qu’il n’y a pas besoin d’être JLG chose pour se faire un cinéma au sujet d’une fille, comme elle.

Marie Chotek

29.5.06